Nous souhaitons remercier la Société d’histoire du comté de Brome de nous avoir donné accès aux archives et à son expertise en histoire régionale ainsi que de nous avoir aimablement permis d’utiliser certaines de ses photographies.
Ville de Lac-Brome est une entité récente puisqu’elle a été créée en 1971 à la suite de la fusion volontaire de sept municipalités et hameaux : Bondville, East Hill, Foster, Fulford, Iron Hill, Knowlton et West Brome. Lac-Brome est une ville « rurale » séculaire au patrimoine historique bien conservé, ce qui fait qu’en la découvrant aujourd’hui, le passé n’est jamais bien loin.
La mise en place d’un réseau ferroviaire au XIXe siècle, la construction du réseau routier au XXe et la construction de l’autoroute des Cantons-de-l’Est en 1965 contribuent à faire de Lac-Brome une destination de choix pour les villégiateurs en quête de tranquillité et de nature. Ces infrastructures de transport auront un impact certain sur le développement de ce qu’on appelle aujourd’hui le tourisme de villégiature.
Cette activité consiste essentiellement à la mise en place de projets résidentiels destinés à la population des grands centres urbains intéressée à acheter une résidence secondaire, un « pied-à-terre » en quelque sorte. Dans les années 1980, plusieurs projets domiciliaires voient le jour : le développement Barnesfield, les condos Inverness (1985), les condos au 400 Lakeside (1986). Sis aux abords du lac, ces deux derniers projets domiciliaires offrent à la population saisonnière un accès au lac et des espaces de choix dans un cadre champêtre. Ces projets expliquent, du moins en partie, l’augmentation de la population permanente de 8% entre 1986 et 1991, comme l’indique le tableau suivant.
Années | Population totale |
---|---|
1981 | 4 319 |
1986 | 4 466 |
1991 | 4 824 |
1996 | 5 073 |
2001 | 5 444 |
2006 | 5 629 |
Avec la reprise du marché immobilier dans les années 1990, le développement domiciliaire se poursuit avec la deuxième phase des condos d’Inverness (Les Villas Inverness (2003), celle des condos du 400 Lakeside (2003) ainsi que les nouveaux projets comme le domaine Sugar Hill (fin des années 1990), le développement de la rue Frances-McKeen et des environs (fin des années 1990), les Jardins Coldbrook (2004) et de l’Hermitage Knowlton (2005).
Cette reprise de la construction domiciliaire contribue notamment à faire augmenter de façon significative la population de la Ville, passant de 5073 en 1996 à 5597 personnes en 2005, soit une augmentation de 10%.
L’économie de Lac-Brome est surtout axée sur le commerce au détail et sur des industries de moyenne taille comme les Emballages Knowlton et la ferme de Canards du Lac-Brome. Ces deux institutions du milieu bromois constituent le principal employeur de la ville mis à part les nombreux commerces, restaurants et auberges qui embauchent bon nombre de personnes.
La ville de Lac-Brome se situe dans la belle région des Cantons-de-l’Est. Une analyse toponymique révèle que l’usage de Cantons-de-l’Est pour désigner la région remonterait au début du XIXe siècle alors que la population locale majoritairement anglophone y référait comme étant les Eastern Townships. Le découpage territorial en townships, unité carrée de 10 miles de côté (259 kilomètres carrés), serait attribuable au contrôle britannique qui, à partir de 1792, décide de diviser ainsi le territoire. Les limites de la région varieront considérablement à travers le temps. Aujourd’hui, les Cantons-de-l’Est s’étendent sur 15 812 kilomètres carrés, soit environ 0,8 % du territoire québécois.
Le paysage des Cantons-de-l’Est se démarque grandement des plaines du Saint-Laurent en raison de son relief appalachien. Ses nombreux plateaux, collines et montagnes offrent des points de vue tout à fait saisissants qui ont contribué à la renommée du coin. Un autre élément qui confère à la région un statut bien particulier réside sans nul doute dans la présence américaine et britannique sur son territoire qui a profondément marqué son développement.
Malgré des connaissances encore somme toute fragmentaires, on note une présence amérindienne sur le territoire dans la première moitié du XVe siècle. Les Iroquois d’abord, mais aussi les Abénaquis auraient vu dans la région un excellent terrain pour la chasse et la trappe. Leur présence dans la région déclinera toutefois rapidement au tournant du XVIIIe siècle, période qui coïncide avec le début de la colonisation.
Le canton de Brome est habité depuis plus de deux siècles. On estime que les premiers arrivants se seraient installés dans la région à compter de 1792. Un des premiers colons à s’établir dans le canton et dont on peut dater l’arrivée avec exactitude est Jonathan Hart, qui s’installe dans la partie sud en 1794. Un an plus tard, c’est au tour d’Henry Collins d’élire domicile dans la partie sud-ouest du canton, soit tout près de la frontière commune avec le canton de Dunham. En 1796, le frère de Collins, Ebenezer, suit l’exemple d’Henry en s’installant à l’endroit même où se trouve aujourd’hui le village de West Brome. La création officielle du canton de Brome remonterait au 18 août 1797. Cette journée-là, le général Robert Prescott octroie un territoire de 46 200 acres à Asa Porter et ses 32 associés pour la constitution du canton de Brome. Comme le veut la coutume à l’époque, une partie du territoire, soit 18 060 acres, demeure réservée à l’usage de la Couronne et du clergé (portion égale de 9 030 acres pour chacun).
En 1831-32, Joseph Bouchette, arpenteur-géomètre général du Bas-Canada, dresse un portrait fort intéressant du canton. Dans son ouvrage British Dominions in North America, Bouchette laisse entendre que certaines parties du territoire sont impropres à la culture tellement elles sont montagneuses et rocheuses. Il y mentionne aussi la présence de grandes quantités de tourbières de qualité et de minerai de fer. En parcourant le canton, l’arpenteur constate que déjà plusieurs moulins ont été érigés sur les berges du lac. La population installée autour du plan d’eau se chiffre alors à environ 600 personnes, alors que la population totale du canton est évaluée à 1 314. On y trouve une église, cinq écoles, un village comprenant une quinzaine de maisons, deux moulins à farine, sept moulins à scie, une distillerie, un juge de la paix, un médecin, trois cordonniers et trois tavernes. À l’époque, la production agricole est essentiellement constituée de blé, d’orge, d’avoine, de pois, de maïs, de pommes de terre et de sirop d’érable.
Avant 1792, la région connue comme les Cantons-de-l’Est demeure majoritairement à l’état sauvage. L’histoire de son développement est étroitement liée à l’arrivée de colons loyalistes qui, devant la déclaration d’indépendance américaine, décident de venir trouver refuge de ce côté de la frontière. S’ils sont appelés loyalistes, c’est en raison de leur allégeance à la Couronne britannique et de leur désir de continuer à vivre sous la protection des lois de cet empire. Ces loyalistes auront bien lutté contre les forces sécessionnistes américaines, mais ultimement, la défaite les contraint à l’exil. Pour les remercier de leur fidélité, la Couronne britannique leur octroie des terres en sol canadien.
Ces loyalistes ne sont toutefois pas les seuls à émigrer au Bas-Canada, alors que plusieurs Américains sans aucun penchant pour la Couronne quittent eux aussi leur port d’attache pour venir profiter de l’abondance et de la gratuité des terres. Les nouveaux arrivants dans les Cantons-de-l’Est proviennent majoritairement de la Nouvelle-Angleterre et de l’État de New York. C’est ce qui explique notamment l’interprétation erronée voulant que les Cantons-de-l’Est aient été colonisés entièrement par des loyalistes.
La colonisation qui va bon train connaît une chute drastique entre 1812 et 1819. Deux raisons expliquent cette baisse. La reprise des hostilités entre les Américains et les Britanniques force de nombreux Américains, qui refusent de porter le nouveau serment d’allégeance exigé envers la Couronne britannique, à retourner aux États-Unis. Un climat capricieux réduisant considérablement les récoltes, en 1814 et en 1819, se charge du reste et chasse encore de nombreux colons.
Les Américains recommenceront à émigrer dans la région en plus grand nombre dès 1820 et, en 1840, on estime qu’ils forment les deux tiers de la population régionale. L’année 1815 marque le début d’une immigration plus massive en provenance des îles Britanniques. Anglais, Irlandais, Écossais et Gallois font leur entrée au pays. Les Cantons-de-l’Est en recevront leur lot. Cette immigration considérable se poursuivra jusqu’au tournant des années 1840.
À cette époque (1840), la présence francophone est pratiquement négligeable. Le recensement de 1860-61 le démontre : sur une population de 3 136 habitants, seulement 212 d’entre eux sont francophones, alors que 663 proviennent des îles Britanniques ou des États-Unis. La restant est composée d’anglophones de souche.
Le faible pourcentage de francophones n’est pas un phénomène limité au canton de Brome. En effet, le déséquilibre est tout aussi visible dans le comté : sur une population totale de 12 732 personnes, seulement 1 644 ont déclaré que le français constituait leur langue maternelle. Dans le recensement de 1880-81, la présence francophone s’est accrue d’environ 17 %, passant de 7 % à tout près de 24 %, mais les anglophones occupent toujours la part du lion.
À proprement parler, Bondville ne constitue qu’un secteur de la Ville puisqu’il n’a jamais été considéré comme un village ou une municipalité dûment incorporée selon les lois de la province de Québec.
Situé en bordure du lac Brome, le hameau de Bondville a été nommé ainsi en l’honneur de l’Archevêque de Montréal William Bennett Bond. Pendant plusieurs décennies, Bond a parcouru sans relâche de nombreuses régions du Québec à titre de missionnaire. Infatigable, il a également contribué à la création de dizaines d’écoles dans la province. Nommé archevêque de Montréal en 1901, Bond décède à l’automne 1906.
Le développement de Bondville est surtout caractérisé par une période soutenue de lotissement et de construction de chalets d’été au milieu du XXe siècle. Par la suite, de véritables projets domiciliaires sont organisés afin d’attirer un nombre de résidents permanents sur cette portion de territoire. Vers la même période, soit autour des années 1960, les nombreux petits chalets d’été sont peu à peu rénovés pour les rendre habitables à longueur d'année.
Le territoire de l’ancienne municipalité de Foster s’étendait sur 9,6 km de long sur 4 de large. Cette municipalité avait le prestige d’avoir un assez bon territoire situé aux abords du lac Brome.
Le village de Foster a été baptisé ainsi pour rendre hommage à l’un des grands hommes de la région : le juge Samuel Willard Foster, l’un de ses fondateurs. Foster a été connu pour sa contribution à l’érection de l’église anglicane Bishop Carmichael Memorial ainsi que pour avoir encouragé le développement du chemin de fer.
Le développement du village de Foster est surtout dû à la présence de deux lignes de chemin de fer traversant le village : celle du Canadien Pacifique reliant Montréal à Saint-Jean au Nouveau-Brunswick, construite en 1888 et celle de la South Eastern Railway dont la portion bromoise a été construite en 1875-1876. Ce dernier chemin de fer sera abandonné en 1977, puis vendu à la Ville de Lac-Brome pour le convertir plus tard en sentier pédestre.
Les photographies anciennes montrent très clairement la croisée de ses deux lignes et au milieu, la petite gare locale (aujourd’hui située sur le chemin Lakeside et servant de bureau touristique).
Années | Population totale | Hommes | Femmes |
---|---|---|---|
1921 | 355 | 188 | 167 |
1931 | 333 | 170 | 163 |
1941 | 354 | – | - |
1951 | 435 | 227 | 208 |
1961 | 453 | 219 | 234 |
Fulford est un hameau qui jadis faisait partie de la Municipalité du canton de Brome, jusqu’à sa fusion avec Foster et Knowlton en 1971, pour devenir une partie de la Ville de Lac-Brome.
Le village de Fulford a été nommé ainsi afin d’honorer la mémoire de l’évêque Francis Fulford, nommé premier archevêque anglican du nouveau diocèse de Montréal par la reine Victoria en 1850. Ce nom pour le village devient officiel en 1864 avec l’ouverture du bureau de poste. L’archevêque Fulford a occupé ses fonctions pendant une période de 18 ans avant de rendre l’âme en 1868. Le religieux devint rapidement reconnu comme l’un des grands bâtisseurs de son époque, lui qui a contribué de façon significative à l’amélioration du système d’éducation au Québec.
Alors que Knowlton s’est développé peu après le tournant du XIXe siècle, Fulford n’est encore, en 1856, qu’une forêt dense. Cette année-là, des entrepreneurs seront attirés par le lieu qui renferme un grand potentiel pour y établir des moulins destinés à la population locale. L’abondance de forêts dans les environs n’est pas étrangère à leur venue. En 1858, Francis England s’installe et y fonde une tannerie. En 1861, c’est au tour de L. Orcutt d’y venir pour exploiter un atelier de meubles. M. Orcutt se voit aussi octroyer la responsabilité du bureau de poste en 1864, qui est toujours actif aujourd’hui. Le village continue de prospérer jusqu’aux environs de 1875, mais la fermeture de certaines manufactures entraîne un déclin progressif du village. Il est à noter que Fulford se trouve également sur le trajet de la ligne de chemin de fer qui relie Montréal-St-Jean.
Iron Hill constitue également un hameau ayant fait partie de la Municipalité du canton de Brome, jusqu’à sa fusion avec Foster et Knowlton, toujours en 1971, qui permettra de former une partie de la Ville de Lac-Brome. L’origine du toponyme choisi pour désigner le village d’Iron Hill reste somme toute obscure. Un récit ancien veut que, lors d’une tournée de reconnaissance, les arpenteurs du comté aient remarqué la présence d’un champ magnétique brouillant les indications de leur boussole. Ils auraient attribué ce phénomène à la présence de minerai de fer, et donc jugé propice de changer le nom de l’endroit, Brome Woods, pour Iron Hill.
Le premier colon, John Shufelt, y élit domicile en 1822. À cette époque, le paysage n’est composé que de forêts à des kilomètres à la ronde. En 1840, Isaac Cutting profite des attributs géographiques de la place pour ériger un premier moulin, puis en construira un second quatre ans plus tard. M. Whitehead gère quant à lui une fabrique de charrettes pendant de nombreuses années.
En 1864, l’église Holy Trinity est érigée au village et c’est au révérend Thomas W. Fyles que revient l’honneur d’agir à titre de premier pasteur de l’endroit. Originaire d’Enfield Chase en Angleterre, Fyles est ordonné diacre en 1862, puis prêtre en 1864 par l’évêque de Montréal. D’abord missionnaire à Laprairie et Longueuil, Fyles devient responsable d’une mission à Iron Hill et West Brome en septembre 1863. En raison de moyens de communication déficients, voire inexistants, les premiers colons vivent pratiquement reclus pendant de nombreuses années.
La renommée du village de Knowlton n’est plus à faire. Preuve incontestable que le village bénéficie d’un statut bien particulier depuis des décennies, le Canadian Handbook Tourist Guide de 1867, année de création du Canada, reconnaît déjà ses charmes et invite tout un chacun à venir admirer la beauté de l’endroit. Le charme n’aura jamais cessé d’opérer depuis. En mai 1997, la revue L’Actualité rend à son tour hommage au village de Knowlton en le plaçant parmi les 20 plus beaux villages québécois.
Le premier colon à s’établir dans les environs du site actuel du village est Matthew Morehouse, au tournant des années 1800. Originaire du Massachusetts, Morehouse ne reste cependant dans le coin que pour une courte période. John Capel, du Vermont, choisit lui aussi l’endroit pour y construire sa demeure peu de temps après l’arrivée de Morehouse.
En 1834, c’est au tour de Paul Holland Knowlton de venir s’établir sur le territoire de façon permanente. Knowlton connaît déjà bien la région puisqu’il habite sur les berges du lac Brome avec sa femme Laura Moss et ses deux enfants depuis une vingtaine d’années. Le Dictionnaire biographique du Canada le présente comme un entrepreneur de premier plan. À propos de son arrivée sur le site du village, l’article mentionne : « il y acquit des droits de prise d’eau et construisit d’abord une scierie produisant des matériaux de construction, puis une vaste demeure avec des dépendances, une forge, une fabrique de potasse puis un magasin et un moulin à farine, qui devinrent le noyau du village de Knowlton qui portait, avant l’établissement du bureau de poste en 1851, le nom de Coldbrook. » Ainsi, avant 1851, le village porte le même nom que la rivière qui coule tranquillement en son centre. Mais Coldbrook deviendra Knowlton en l’honneur de son résident le plus illustre.
La responsabilité de gérer le bureau de poste, ouvert en 1851, revient à Albert Kimball, ce dernier étant aussi propriétaire du Blinn’s Inn, l’ancêtre de l’Auberge Knowlton, ouvert deux ans plus tôt. En 1855, date de la création du régime municipal québécois et date de la fondation de la Municipalité du canton de Brome, Knowlton devient le chef-lieu et le centre régional des communications et du commerce avec son bureau d’enregistrement et sa cour de circuit, ainsi que ses différents commerces de biens et services.
En juillet 1888, Knowlton devient une entité municipale complètement séparée de la Municipalité du canton de Brome.
Années | Population totale | Hommes | Femmes |
---|---|---|---|
1901 | 760 | 347 | 413 |
1911 | 865 | 387 | 478 |
1921 | 841 | 420 | 421 |
1931 | 990 | 488 | 502 |
1941 | 972 | - | - |
1951 | 1094 | 544 | 550 |
1961 | 1396 | 679 | 717 |
West Brome, aussi un hameau, faisait autrefois partie de la Municipalité du canton de Brome, avant d’être fusionné avec Foster et Knowlton en 1971, et de former en partie la Ville de Lac-Brome. West Brome a été nommé ainsi en raison de sa position géographique dans le canton. Ebenezer Collins est le premier à venir s’y installer en 1796. En 1824, John Pettes et Joel Davis achètent un terrain en ces lieux pour y établir des moulins à scie et à eau. L’ouverture d’un bureau de poste survient en 1831 et Jacob Cook devient le premier postier du village. Le magasin général Edwards, toujours en service, constitue un arrêt obligatoire. Fondé en 1852, son apparence, extérieure comme intérieure, permet aux visiteurs de faire un véritable voyage dans le temps. À la même époque, Stephen L. Hungerford est un des hommes les plus influents du secteur.
En 2021, la Ville de Lac-Brome célébrait son 50ᵉ anniversaire. Pour marquer cette occasion, l’équipe de la Ville de Lac-Brome a créé le magnifique document suivant :
Une superbe murale pour souligner les 50 ans de notre ville est également affichée au Centre Lac-Brome, gracieuseté d’Isabelle Daval, Michel Gamache et Annie Paulhus-Gosselin :